Football Congolais : Comment la Fédération Mauritanienne de Football réussit à développer son football, là où  MAYOLAS échoue, depuis sept ans ?

Football Congolais – En 2012, la Mauritanie n’avait presque pas d’équipe et était la plus mauvaise nation africaine. Douze ans plus tard, elle a participé à trois Coupe d’Afrique des Nations et fait partie des pays d’Afrique les plus structurés. Les principaux protagonistes retracent le fil d’une construction supersonique.

« Avant, la Mauritanie n’existait pas sur la scène continentale. La CAN, c’était utopique d’y participer », plantait Mansour Loum, journaliste pour Sport News Africa, avant la CAN en Côte d’Ivoire. Mais ça, c’était avant.

En Côte d’Ivoire, les Mourabitounes ont disputé leur troisième Coupe d’Afrique des Nations (2019, 2021). Le petit poucet du football africain, à jouer plus que les trouble-fête dans un groupe qui était composé de l’Algérie, du Burkina Faso et de l’Angola et à même passer le premier tour de la phase des groupes, pour la première de son histoire, pour ce pays de 4,6 millions d’habitants.

Douze ans de progression

La Mauritanie est partie pourtant de loin, pour arriver à obtenir de tels résultats. Douze ans en arrière, alors que le Français Patrice Neveu est nommé sélectionneur en janvier 2012, l’actuel 106e nation mondiale n’était que 204e au classement Fifa. Derrière elle, ne pointaient que le Timor Oriental, Montserrat, Andorre et Saint-Marin.

Pour rappel, il y a une décennie, la Fédération Mauritanienne de Football n’avait rien du tout, d’après les anecdotes du très célèbre journaliste et bible du football Mauritanien Lassna Camara, lors d’une interview accordée à Ouestfrance, pour qui 2012 représentent l’acte de naissance du football de la Mauritanie avec l’arrivée d’un nouveau président et de Patrice Neveu.

On n’avait rien du tout. Au siège de la Fédération, il n’y avait que des sièges et des bureaux bancals, même pas d’ordinateurs. Les gens ne venaient pas. C’était une boutique. Le championnat n’était pas régulier, les joueurs en sélection n’étaient pas payés, n’avaient jamais fait de stage à l’étranger. Il fallait professionnaliser l’équipe, les déplacements, faire de la conciergerie, organiser un vestiaire, mettre les joueurs dans de bons hôtels. Les joueurs mauritaniens n’avaient qu’un jeu de maillot par exemple.

L’ambitieux Ahmed Yahya, le « messie » du football mauritanien

Six mois avant la nomination de Neveu, un nouveau président ambitieux qui ne cesse de grimper dans les instances du football mondial, vient d’arriver à la tête de la Fédération : Ahmed Yahya (accompagné par son secrétaire général Massa Diarra). Fils d’un gros armateur de pêche en Mauritanie (une entreprise qu’il a aujourd’hui laissée à ses frères pour se consacrer à la Fédération), l’homme de 48 ans a une fibre entrepreneuriale qu’il a aiguisée en Espagne, où il a grandi, puis à Nice où il a suivi des études d’économie.

Quand tu as déjà de l’argent, tu n’as pas besoin d’aller piocher dans les caisses, caricaturais Mansour Loum. L’argent injecté dans les caisses mauritaniennes, il va faire en sorte qu’il soit bien utilisé. Le président Yahya a une vraie vision et sur le long terme quand beaucoup ont une vision court-termiste. On vient, on prend un sélectionneur à qui on donne beaucoup d’argent, on ramène des binationaux. Ça passe ou ça casse. Souvent, ça casse et l’équipe implose. 

Ahmed Yahya est un passionné de football et a un plan en tête pour le développer en Mauritanie. Il utilise à merveille les aides distribuées par la Fifa. Le président de la Fédération internationale de football Gianni Infantino vante d’ailleurs régulièrement le développement de la Mauritanie en réunion.

« La première fois que j’ai vu le président Yahya c’était en 2013, en Espagne. C’était aussi la première fois que l’équipe sortait de la Mauritanie pour faire un stage. Il me dit “on n’a rien du tout mais je veux un championnat pro, que nos matches soient diffusés. J’ai proposé un projet à la Fifa pour créer notre propre chaîne télé. On va créer un siège et je vais y faire des terrains”. Je l’ai pris pour un fou, se souvient Lassana Camara. Il en a fait huit. Il a construit un stade de 10 000 places avec les aides de la Fifa. Aujourd’hui, 27 pays africains sur 54 n’ont pas de stade aux normes de la Fifa. La Fédération a une soixantaine d’employés. Il a organisé la CAN U20 en 2021 au moment du Covid. Il a commencé a organisé des réunions de la Fifa, de la CAN… »

Et pas question de s’arrêter en si bon chemin. Fin 2023, il parlait publiquement de sa volonté de coorganiser une Coupe d’Afrique avec le Sénégal à l’horizon 2030.

Patrice Neveu, le pionnier

Une autre personne a accompagné la naissance de la Mauritanie sur le plan footballistique : Patrice Neveu. L’expérimenté entraîneur français (Niger, Congo, Guinée…) a accepté de devenir le sélectionneur de l’une des pires nations du monde convaincu par l’investissement du président Yahya et de la qualité du football local.

« Quand je suis allé chercher mon Visa à l’ambassade de Mauritanie, on m’a dit : “Mais qu’est-ce que vous allez faire là-bas ? Vous ? Du football ?”, explique l’ex-sélectionneur du Gabon, remercié en octobre 2023. Il n’y avait rien. Un terrain et autour c’était des terrains vagues. L’équipe nationale était à plat. On achetait nos polos sur le marché à Nouakchott (la capitale) pour être tous conformes. On n’avait pas le soutien de l’état. Une sélection en Afrique ne peut pas fonctionner sans son état. Il a fallu convaincre le peuple mauritanien et l’État mauritanien qu’il pouvait y avoir une belle équipe de football. »

Patrice Neveu a donné de sa personne pour faire décoller la Mauritanie. Un jour, il reçoit un appel de son président lui disant que la Fédération est dans une impasse, car elle n’a plus d’argent pour poursuivre sa poussée de croissance. Patrice Neveu prend son 4×4 direction Nouakchott pour rencontrer en personne le chef d’État Mohamed Ould Abdel Aziz (2009-2019).

« Le président Aziz m’a posé la question “Est-ce que vous pensez qu’en Mauritanie on peut avoir des joueurs de football ?” Je lui ai répondu “Je suis votre championnat local, vous avez des bons jeunes. Il faut travailler en profondeur. Mais il nous faut des moyens pour se déplacer”. À la fin de l’entretien il m’a dit qu’il allait débloquer les fonds. »

Parce que pendant longtemps, la Mauritanie déclarait forfait pendant les qualifications des grandes compétitions internationales, faute de moyens, et était interdite de prendre part aux prochaines. Pour continuer à subsister, elle se déplaçait pour jouer des matches de préparation sur invitation de l’Égypte ou de l’Iran grâce aux réseaux de Patrice Neveu.

Un premier résultat d’envergure

Surtout que l’Eurélien ne se fait pas que des amis. La plupart des entraîneurs locaux sont contre lui et il subit une forte critique à cause des changements amorcés. Patrice Neveu arrive en imposant une assiduité aux entraînements, une rigueur tactique et en réalisant un gros travail physique. « Tu ne peux convaincre que si tu montres l’exemple et si tu as des résultats », dit Patrice Neveu.

En 2014, le Français qualifie pour la première fois la Mauritanie pour une compétition internationale, le CHAN (la Coupe d’Afrique pour les locaux) 2014 en Afrique du Sud après avoir éliminé le Libéria et surtout le Sénégal, le rival historique. Le football décolle en Mauritanie même si Patrice Neveu est remercié après avoir réalisé un énorme boulot de défrichage.

Le Français a notamment convaincu certains binationaux en France de venir renforcer les rangs de la sélection : Diallo Guidileye, Adama Ba, Khassa Camara… Comment ? « En leur disant la vérité et qu’il y avait un vrai projet derrière la sélection. On ne leur a pas menti ! »

« Les numéros 1 aujourd’hui en Afrique »

Les Corentin Martins, Didier Gomes Da Rosa et maintenant Amir Abdou, qui ont suivi à la tête de la sélection mauritanienne, ont ensuite surfé sur l’excellente dynamique lancée par Yahya et Neveu pour continuer de faire progresser cette équipe.

« Le président a réussi à trouver des profils de coachs intéressants. Ce sont des gars qui sont arrivés avec des vrais projets de jeu et des idées à moyen ou long termes. Les coaches ont du temps pour bosser. Corentin Martins a fait sept ans. C’est énorme. Ceux qui ont fait autant ce sont des entraîneurs comme Aliou Cissé par exemple. Amir Abdou commençait à avoir des résultats au FC Nouadhibou (l’un des meilleurs clubs de Mauritanie). Et ce qui est rassurant pour eux, le président Yahya leur fixe des objectifs réalisables. Le président a de la suite dans les idées, une vision. Il dit, il fait, il ne peut pas, il ne le fait pas. Il manque juste ce petit déclic. Et comme on dit, l’appétit vient en mangeant. C’est ça aussi qui a créé une sortie de stabilité dans cette équipe », analyse Mansour Loum.

Aujourd’hui, la Mauritanie fait partie des « pays qui travaillent le mieux, conclut Patrice Neveu. Jeunes, féminines (ils possèdent toutes les équipes des U17 à la sélection A), beach soccer dernièrement (un tournoi international a été organisé en novembre)… Le président a su rapidement comprendre ce qu’était le haut niveau du football en Afrique et mettre en place tous les moyens pour élever son pays. En termes d’infrastructure, c’est exceptionnel ce qu’ils ont aujourd’hui. Ce sont les numéros 1 aujourd’hui en Afrique. » Impensable il y a encore douze ans.

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